Quand nos modes de vie disparaissent sans bruit…

Quand nos modes de vie disparaissent sans bruit…

Jérôme Fourquet dirige le département opinion et stratégies de l’Institut français d’opinion publique. Également essayiste, il analyse régulièrement l’évolution de la société française. Dans son dernier livre La France sous nos yeux (Éditions du Seuil), il explique notamment comment la restauration rapide a contribué à détruire nos modes de vie traditionnels.

La restauration rapide est une des facettes de l’américanisation de la France. Cette tendance a débuté dans les années 1950-1960 dans le cinéma, la musique et la mode, et s’est poursuivie dans les années 1980-1990 avec notamment l’adoption de prénoms yankee (Jordan, Dylan…) et l’installation d’enseignes de fast-food.

Au-delà de la qualité des produits que ces enseignes proposent, l’auteur nous explique comment elles ont modifié en profondeur les modes de vie et les références de la société française (en particulier celles des couches les plus jeunes, c’est-à-dire la France de demain).

Selon lui, la consommation hors domicile et le service en continu ont créé une rupture par rapport à nos codes et nos traditions qui veulent que l’on mange chez soi, en famille et à heure fixe. Autre variante, elle permet de déjeuner ou diner chez soi sans avoir à cuisiner : il suffit de se faire livrer une pizza ou un burger. Ainsi près de 25% de la population française se fait livrer des plats à domicile au moins une fois par mois et ce pourcentage atteint quasiment 50% parmi les moins de 35 ans.

Aujourd’hui, rappelle Jérôme Fourqueux, McDonald’s et ses presque 1600 restaurants rapides ne sont plus les seuls fast-food américains présents en France. D’autres enseignes se sont implantées dans leur sillage telles que les chaines Burger King (500 points de vente), KFC (350 établissements), Buffalo Grill (360 restaurants), sans parler plus récemment des restaurants comme Five Guys (burgers premium), Popeyes (poulet frit), Krispy Kreme Donuts (beignets) ou Starbucks Café.

Et depuis quelques années, le même format se décline également en d’autres variantes culturelles. Les cuisines du monde entier ont trouvé leur place : du poké au kebab, en passant par les sandwiches halal, les shushis et la nourriture vietnamienne et désormais coréenne, l’offre n’a jamais été aussi multiple. Le dernier venu, le «french tacos» (sandwich mêlant plusieurs viandes et ingrédients commercialisés notamment par la chaîne O’Tacos), illustre parfaitement le processus d’hybridation entre les différentes cultures qui, de nos jours, parcourent et traversent l’archipel français.

La restauration rapide n’a pas seulement modifié nos habitudes de vie et nos traditions alimentaires. Elle a également imprimé sa marque sur nos paysages et nos territoires. Dans les 40 dernières années, les enseignes de restauration rapide se sont multipliées à l’entrée des villes et dans les zones commerciales périphériques dont elles sont un des éléments clés. Et en plus de densifier leur maillage territorial, elles ont également prospéré dans les centres-villes et dans les lieux touristiques. Au total, en a bien sûr découlé … une nouvelle « esthétique » de nos régions et de notre patrimoine urbain.

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