L'abbaye de Sénanque en danger !
L’église de la célèbre abbaye de Sénanque, en Provence, vient de fermer ses portes en urgence. Les spécialistes redoutent en effet l’écroulement de l’édifice en raison de désordres structurels.
Il ne s’agit pas de n’importe quelle abbaye mais de l’une des plus belles de France, visitée chaque année par des dizaines de milliers de personnes du monde entier. Qui n’a pas vu, au moins en photo, ce superbe édifice roman entouré de ses champs de lavande ? Il est vraiment désolant de savoir un aussi beau monument sur le point de s’effondrer. L’abbaye de Sénanque est en effet une merveille de notre patrimoine.
Laissez-moi vous en dire un peu plus sur son histoire.
Consacrée à la Vierge Marie, l’abbaye fut fondée le 23 juin 1148 par un petit groupe de moines cisterciens venus de Mazan en Ardèche. La vallée de Sénanque offre tous les matériaux nécessaires à la construction, comme la pierre et le bois. Par ailleurs, elle est isolée, possède des terres cultivables, des pâturages et un cours d’eau. C’est donc l’endroit idéal pour ces religieux qui vivent en autarcie afin de fuir le monde et ses tentations. La construction s’achève environ 60 ans après la fondation. Aux XIIIe et XIVe siècles, l’abbaye compte une quarantaine de moines et se trouve à son apogée. Elle possède alors quatre moulins, sept granges, un hôpital à Arles, plusieurs maisons à L’Isle sur la Sorgue, Cavaillon, Carpentras, Marseille, une ferme à Maussane, et un hospice à Pernes les Fontaines.
Mais à la Renaissance, la situation se dégrade : les ressources disparaissent et les vocations diminuent. En 1544, une bande armée d’hérétiques vaudois attaque Sénanque. Le bâtiment est fortement endommagé et les moines affreusement assassinés. A la Révolution, l’abbaye est vendue comme bien national et au 19e siècle certains songent sérieusement à la détruire ou à la transformer en usine ! Alors que les choses semblaient bien compromises, l’abbaye va connaître un nouvel essor. En 1854, une communauté monastique se réinstalle en effet à Sénanque. D’importants travaux de restauration ont lieu et bientôt l’abbaye abrite plus de soixante-dix frères ! C’est aussi l’époque où le monastère compte un maître des novices exceptionnel en la personne du Père Jean Léonard. Les écrits de cet homme de grande culture, dont le procès en béatification est en cours, ont notamment inspiré sainte Thérèse de Lisieux.
Cependant, la paix est de courte durée… La montée de l’anticléricalisme, à la fin du XIXe siècle, met à nouveau en danger la communauté religieuse. En 1880, les gendarmes chassent les moines, seuls trois d’entre eux sont autorisés à rester s’ils renoncent à l’habit religieux. En 1882, l’abbaye est une nouvelle fois vendue comme bien national. Il faudra attendre 1988, pour que les moines reviennent définitivement à Sénanque et que l’abbaye retrouve ainsi sa vocation.
Aujourd’hui, les frères cisterciens y vivent de la culture du lavandin, de l’oliveraie, de la ruche, des visites de l’abbaye, de l’hôtellerie et de la boutique monastique. Cela leur permet également d’assurer l’entretien de l’abbaye mais pas de faire face aux très gros travaux : il est nécessaire d’édifier des contreforts, associés à un remaillage et à une reconnexion des murs pignons aux murs gouttereaux.
Le budget prévisionnel de sauvegarde est estimé à 1.200.000 euros si tout va bien et à 2 000 000 en cas de complications comme c’est hélas souvent le cas dans ce genre de chantier.
Heureusement, plusieurs personnalités ont déjà apporté leur soutien aux travaux, ce qui a permis d’en financer une partie. Mais les moines ont encore besoin de 600 000 euros !